I- Quelles sont les différentes infractions de désertion ?
Selon les dispositions de l’article L. 321-2 du Code de justice militaire, tout militaire dont la formation de rattachement est située sur le territoire de la République est déclaré déserteur à l’intérieur, en temps de paix, lorsqu’il :
– 1° S’évade, s’absente sans autorisation, refuse de rejoindre sa formation de rattachement ou ne s’y présente pas à l’issue d’une mission, d’une permission ou d’un congé ;
– 2° Mis en route pour rejoindre une autre formation de rattachement située hors du territoire national, ne s’y présente pas ;
– 3° Se trouve absent sans autorisation au moment du départ pour une destination hors du territoire national du bâtiment ou de l’aéronef auquel il appartient ou à bord duquel il est embarqué.
N.B. Une formation de rattachement peut consister en un corps, un détachement, une base, une formation, un bâtiment ou aéronef militaire, un établissement civil ou militaire de santé en cas d’hospitalisation, ou encore un établissement pénitentiaire en cas de détention.
Dans les hypothèses d’évasion, d’absence sans autorisation ou de refus de rejoindre sa formation de rattachement ou de ne pas s’y présenter à l’issue d’une mission, d’une permission ou d’un congé, le militaire est effectivement déclaré déserteur à l’expiration d’un délai de grâce de 6 jours à compter du lendemain du jour où l’absence sans autorisation est constatée ou du lendemain du terme prévu de la mission, de la permission ou du congé.
Dans les mêmes hypothèses, lorsque la désertion intervient à l’étranger en temps de paix, le militaire est déclaré déserteur à l’expiration d’un délai de grâce de 3 jours à compter du lendemain du jour où l’absence sans autorisation est constatée ou du lendemain du terme prévu de la mission, de la permission ou du congé.
Toutefois, ce dernier délai est réduit à 1 jour en cas de désertion à l’étranger en temps de guerre. (article L. 321-5 du Code de justice militaire)
Attention ! Aucun délai de grâce ne bénéficie au militaire déserteur se trouvant dans les circonstances des 2° et 3° des deux articles susvisés.
Par ailleurs, le Code de justice militaire s’intéresse encore aux cas :
– de désertions avec complot (articles L. 321-4 et L. 321-7 du Code de justice militaire) ;
– de désertion à bande armée (article L. 321-12 du Code de justice militaire) ;
– de désertion à l’ennemi ou en présence de l’ennemi (articles L. 321-13 et suivants du Code de justice militaire).
II- Quelles sont les peines encourues par le militaire déserteur ?
Selon l’article L. 321-3 du Code de justice militaire :
– est puni de 3 ans d’emprisonnement le fait pour tout militaire de déserter à l’intérieur, en temps de paix ;
– est puni de 5 ans d’emprisonnement le fait pour tout militaire de déserter à l’intérieur et de franchir les limites du territoire de la République ou de rester hors de ces limites ;
– est puni de 10 ans d’emprisonnement le fait pour tout militaire de déserter en temps de guerre ou sur un territoire sur lequel l’état de siège ou l’état d’urgence a été proclamé ;
– est puni de 10 ans d’emprisonnement le fait pour tout militaire de déserter à l’étranger en emportant une arme ou du matériel de l’État ou en étant de service ou avec complot.
En tout état de cause et si le déserteur est officier, la perte du grade peut être également prononcée.
III- Comment se déroule la procédure à l’encontre du militaire déserteur ?
D’abord, une mise en demeure (lettre recommandée avec accusé de réception) est adressée au militaire déserteur par sa hiérarchie, à sa dernière adresse connue, en l’enjoignant de rejoindre sa formation administrative et lui indiquant les conséquences disciplinaires de son abandon de poste.
Une fois ladite formalité administrative accomplie, une sanction disciplinaire du troisième groupe peut être prononcée sans que soit demandé l’avis d’un conseil d’enquête, si le militaire concerné ne rejoint pas son unité à l’expiration du délai fixé dans la mise en demeure.
Ensuite, les faits de désertion sont dénoncés auprès du procureur de la République territorialement compétent.
Au regard du principe de l’opportunité des poursuites, le procureur de la République peut :
– soit procéder à un classement sans suite de la procédure ;
– soit engager des poursuites pénales à l’encontre du militaire déserteur ;
– soit mettre en œuvre une procédure alternative aux poursuites.
Dans l’hypothèse où le militaire déserteur rejoint sa formation à l’expiration du délai de grâce et poursuit son engagement militaire, le Ministère public dispose de la faculté de prononcer un rappel à la loi – lequel n’est pas mentionné sur le bulletin n°2 du casier judiciaire du militaire concerné -.
En cas de poursuites pénales engagées par le Parquet, le militaire est entendu dans le cadre d’une garde à vue ou d’une audition libre au sein d’un commissariat de police ou d’un local de gendarmerie.
A l’instar de tout justiciable, le militaire gardé à vue ou auditionné peut solliciter l’assistance d’un avocat de son choix.
L’avocat choisi pourra classiquement assister son client au cours des auditions et des confrontations, poser des questions, ainsi que présenter des observations écrites à l’issue à l’issue de chaque audition, entretien ou confrontation.
Enfin, le militaire déserteur peut être renvoyé devant la Chambre correctionnelle près le Tribunal Judiciaire dans le ressort duquel est située la formation de rattachement de départ : il s’agit de la juridiction compétente pour connaître des faits de désertion à l’intérieur.
De la même façon, la Chambre correctionnelle spécialisée en affaires pénales militaires près le Tribunal judiciaire de Paris est compétente pour connaître des faits de désertion à l’étranger.
Au cours de l’audience, le militaire concerné et son avocat pourront soulever devant la juridiction pénale tous les moyens de défenses habituels : les vices de procédure, les motifs de la désertion en produisant les pièces justificatives, etc.
Le militaire concerné ou son avocat peut solliciter du Tribunal la non-inscription de la peine prononcée au bulletin n°2 de son casier judiciaire en motivant sa demande.