I- L’encadrement textuel de la diffusion de photos d’enfant sur les réseaux sociaux par les parents
L’article 16 de la Convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989 dispose que :
« 1. Nul enfant ne fera l’objet d’immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes illégales à son honneur et à sa réputation.
2. L’enfant a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes. »
L’article 8 – Droit au respect de la vie privée et familiale de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dispose que :
« 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2- Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »
L’article 9 du Code civil dispose que :
« Chacun a droit au respect de sa vie privée.
Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s’il y a urgence, être ordonnées en référé. »
L’article 371-1 du Code civil dispose que :
« L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant.
Elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé, sa vie privée et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement, dans le respect dû à sa personne.
L’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques.
Les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité. »
L’article 372 du Code civil dispose que :
« Les père et mère exercent en commun l’autorité parentale. L’autorité parentale est exercée conjointement dans le cas prévu à l’article 342-11.
Toutefois, lorsque la filiation est établie à l’égard de l’un d’entre eux plus d’un an après la naissance d’un enfant dont la filiation est déjà établie à l’égard de l’autre, celui-ci reste seul investi de l’exercice de l’autorité parentale. Il en est de même lorsque la filiation est judiciairement déclarée à l’égard du second parent de l’enfant ou, dans le cas d’un établissement de la filiation dans les conditions prévues au chapitre V du titre VII du présent livre, lorsque la mention de la reconnaissance conjointe est apposée à la demande du procureur de la République.
L’autorité parentale pourra néanmoins être exercée en commun en cas de déclaration conjointe des père et mère adressée au directeur des services de greffe judiciaires du tribunal judiciaire ou sur décision du juge aux affaires familiales. »
L’article 372-1 du Code civil dispose que :
» Les parents protègent en commun le droit à l’image de leur enfant mineur, dans le respect du droit à la vie privée mentionné à l’article 9.
Les parents associent l’enfant à l’exercice de son droit à l’image, selon son âge et son degré de maturité. «
L’article 372-2 du Code civil dispose que :
« A l’égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l’accord de l’autre, quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant. »
L’article 373-2 du Code civil dispose que :
« La séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution de l’exercice de l’autorité parentale.
Chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent.
A cette fin, à titre exceptionnel, à la demande de la personne directement intéressée ou du juge aux affaires familiales, le procureur de la République peut requérir le concours de la force publique pour faire exécuter une décision du juge aux affaires familiales, une convention de divorce par consentement mutuel prenant la forme d’un acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire ou une convention homologuée fixant les modalités d’exercice de l’autorité parentale.
Tout changement de résidence de l’un des parents, dès lors qu’il modifie les modalités d’exercice de l’autorité parentale, doit faire l’objet d’une information préalable et en temps utile de l’autre parent. En cas de désaccord, le parent le plus diligent saisit le juge aux affaires familiales qui statue selon ce qu’exige l’intérêt de l’enfant. Le juge répartit les frais de déplacement et ajuste en conséquence le montant de la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant. »
L’article 373-2-6 du Code civil dispose que :
« Le juge du tribunal judiciaire délégué aux affaires familiales règle les questions qui lui sont soumises dans le cadre du présent chapitre en veillant spécialement à la sauvegarde des intérêts des enfants mineurs.
Le juge peut prendre les mesures permettant de garantir la continuité et l’effectivité du maintien des liens de l’enfant avec chacun de ses parents.
Il peut notamment ordonner l’interdiction de sortie de l’enfant du territoire français sans l’autorisation des deux parents. Cette interdiction de sortie du territoire sans l’autorisation des deux parents est inscrite au fichier des personnes recherchées par le procureur de la République.
Il peut également, en cas de désaccord entre les parents sur l’exercice du droit à l’image de l’enfant, interdire à l’un des parents de diffuser tout contenu relatif à l’enfant sans l’autorisation de l’autre parent.
Il peut, même d’office, ordonner une astreinte pour assurer l’exécution de sa décision. Si les circonstances en font apparaître la nécessité, il peut assortir d’une astreinte la décision rendue par un autre juge ainsi que l’accord parental constaté dans l’un des titres mentionnés aux 1° et 2° du I de l’article 373-2-2. Les dispositions des articles L. 131-2 à L. 131-4 du code des procédures civiles d’exécution sont applicables.
Il peut également, lorsqu’un parent fait délibérément obstacle de façon grave ou renouvelée à l’exécution de l’un des titres mentionnés aux 1° à 6° du I de l’article 373-2-2, le condamner au paiement d’une amende civile d’un montant qui ne peut excéder 10 000 €. »
L’article 377 du Code civil dispose que :
« Les père et mère, ensemble ou séparément, peuvent, lorsque les circonstances l’exigent, saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l’exercice de leur autorité parentale à un tiers, membre de la famille, proche digne de confiance, établissement agréé pour le recueil des enfants ou service départemental de l’aide sociale à l’enfance.
En cas de désintérêt manifeste ou si les parents sont dans l’impossibilité d’exercer tout ou partie de l’autorité parentale ou si un parent est poursuivi ou condamné pour un crime commis sur la personne de l’autre parent ayant entraîné la mort de celui-ci, le particulier, l’établissement ou le service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou un membre de la famille peut également saisir le juge aux fins de se faire déléguer totalement ou partiellement l’exercice de l’autorité parentale.
Dans ce dernier cas, le juge peut également être saisi par le ministère public, avec l’accord du tiers candidat à la délégation totale ou partielle de l’exercice de l’autorité parentale, à l’effet de statuer sur ladite délégation. Le cas échéant, le ministère public est informé par transmission de la copie du dossier par le juge des enfants ou par avis de ce dernier.
Lorsque la diffusion de l’image de l’enfant par ses parents porte gravement atteinte à la dignité ou à l’intégrité morale de celui-ci, le particulier, l’établissement ou le service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant ou un membre de la famille peut également saisir le juge aux fins de se faire déléguer l’exercice du droit à l’image de l’enfant.
Dans tous les cas visés au présent article, les deux parents doivent être appelés à l’instance. Lorsque l’enfant concerné fait l’objet d’une mesure d’assistance éducative, la délégation ne peut intervenir qu’après avis du juge des enfants. »
Les articles sus-visés ont été récemment modifiés depuis l’adoption de la loi n° 2024-120 du 19 février 2024 visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants.
II- La diffusion de photos d’enfants sur les réseaux sociaux, un acte non-usuel nécessitant l’accord des deux parents
Nonobstant la séparation des parents, l’autorité parentale est en principe exercée conjointement par les deux parents à l’égard de l’enfant commun mineur jusqu’à sa majorité.
Il est alors question de coparentalité.
Afin de faciliter le quotidien de l’enfant, le Code civil admet qu’un parent est présumé avoir reçu l’accord de l’autre sans qu’il y ait besoin de rapporter la preuve du consentement de l’autre parent : il s’agit des actes usuels.
Les actes usuels sont les actes de la vie quotidienne qui n’engagent pas l’avenir de l’enfant, n’engagent pas ses droits fondamentaux ou s’inscrivent dans une pratique antérieure établi par les parents et non contesté par l’un des deux.
A contrario, les actes non-usuels impliquent l’accord exprès des deux titulaires de l’autorité parentale au sujet de la décision à prendre concernant leur enfant.
La question s’est rapidement posée de savoir si la diffusion de photos d’un enfant mineur par l’un de ses parents sur les réseaux sociaux sans l’autorisation de l’autre constituait un acte usuel ou un acte non-usuel.
La Jurisprudence a tranché cette problématique en retenant qu’une telle diffusion consistait en un acte non-usuel nécessitant l’accord des deux parents.
Il en résulte qu’un parent peut parfaitement attraire l’autre parent devant le Juge aux affaires familiales compétent s’il entend s’opposer à la publication de photos de l’enfant commun sur les réseaux sociaux ou obtenir la suppression de ces publications, avec ou sans astreinte.
Quelques illustrations jurisprudentielles :
– Tribunal de grande instance de Paris, 10 mai 2010, n°09/04772 : « En vertu de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que de l’article 9 du Code civil, toute personne dispose sur son image, attribut de sa personnalité, et sur l’utilisation qui en est faite d’un droit exclusif, qui lui permet en principe de s’opposer à sa diffusion sans son autorisation, ou celle de ses parents si elle est mineure. »
– Cour d’Appel de Bastia, 28 septembre 2011, RG n° 10/00190 : « Attendu que si la décision déférée ayant ordonné le retrait des photographies de l’enfant diffusées par la mère sur un site internet ne peut qu’être confirmée, Serena qui n’est âgée que de sept ans devant être protégée et son avenir sauvegardé, cette seule diffusion ne saurait toutefois priver Madame X…de l’exercice de son autorité parentale ; »
– Cour d’Appel de Pau, 2ème Chambre – Section 2, 31 janvier 2012, n° 12/523 : « Sur les images de Samantha :
La diffusion sur des sites sociaux de photographies d’enfants mineurs étant soumise à l’autorisation des deux parents dans le cadre d’un exercice conjoint de l’autorité parentale, la Cour observe que Madame Y ne peut y procéder sans avoir reçu l’autorisation du père, la confidentialité des sites utilisés n’étant pas assurée. Les photos devront, en conséquence, en être supprimées.
Une injonction sous astreinte est inopportune. »
– Tribunal de grande instance de Paris, Juge aux affaires familiales, Section 4 – Cabinet 4, 26 février 2013, n°12/42239 : « la diffusion sur internet de photographie de leur enfant et plus généralement la diffusion publique de l’image de leur enfant ne relève pas pour chacun des parents d’un acte usuel de l’autorité parentale. Elle nécessite donc l’assentiment des deux parents ».
– Cour d’Appel de Versailles, 25 juin 2015, n°13/08349 : « La publication de photographies de l’enfant et de commentaires relatifs à celui-ci sur le site Facebook ne constitue pas un acte usuel mais nécessite l’accord des deux parents »
– Tribunal de grande instance de Paris, Juge aux affaires familiales, Section 1 – Cabinet 1, 10 novembre 2016, n° 16/42031 : il a été notamment fait interdiction de toute publication d’un enfant et a été ordonné la suppression des photographies et des commentaires le concernant déjà publiés.
– Cour d’Appel de Paris, Pôle 3 – Chambre 4, 9 février 2017, n° 15/13956 : « L’article 371-1 du Code civil dispose que « l’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs avant pour finalité l’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux parents jusqu’à la majorité ou l’émancipation de l’enfant pour le protéger dans sa sécurité, sa santé, sa moralité pour assurer son éducation et permettre son développement dans le respect de sa personne ».
L’un des parents ne peut sans l’autre diffuser des photographies sur le compte Facebook ou sur un site professionnel sans l’accord de l’autre parent.
Il est fait interdiction à chacun d’eux de diffuser dès lors des photographies des enfants issus de leur union sans l’accord de l’autre et ce aux fins de respecter l’exercice conjoint de l’autorité parentale qui nécessite l’accord des deux parents concernant les décisions à prendre dans l’intérêt des enfants.
L’astreinte n’est pas nécessaire, M.F. et Mme M. devant être conscients de leurs devoirs à l’égard des enfants, Mme M. étant déboutée de ses autres demandes à ce titre. »
III- Les moyens d’action offerts aux enfants devenus majeurs à l’encontre de leurs parents
L’article 226-1 du Code pénal dispose que :
« Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait, au moyen d’un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui :
1° En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;
2° En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé.
3° En captant, enregistrant ou transmettant, par quelque moyen que ce soit, la localisation en temps réel ou en différé d’une personne sans le consentement de celle-ci.
Lorsque les actes mentionnés aux 1° et 2° du présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu’ils s’y soient opposés, alors qu’ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé.
Lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis sur la personne d’un mineur, le consentement doit émaner des titulaires de l’autorité parentale, dans le respect de l’article 372-1 du code civil.
Lorsque les faits sont commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, les peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et à 60 000 euros d’amende. »
Il résulte de ces dispositions que les enfants devenus majeurs sont en droit de déposer plainte à l’encontre de leurs parents et de leur solliciter le versement de dommages et intérêts résultant de la violation de leur droit à l’image et de leur vie privée.
Une telle demande ne peut toutefois aboutir que si elle intervient dans le délai de la prescription du délit d’atteinte à la vie privée, soit 6 ans à compter de la commission des faits querellés.