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Le travail dissimulé sous l’angle du droit pénal

 

Définition et répression pénale du délit de travail dissimulé (également appelé « travail clandestin » ou « travail au noir » ou « travail au black »).

 

 

I- Quelles sont les infractions de travail dissimulé ?

 

Le Code du travail prévoit expressément deux formes de travail dissimulé :

 

A- Le travail dissimulé par dissimulation d’activité

 

1- Rappel des textes

 

Selon l’article L. 8221-3 du Code du travail :

 

« Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’activité, l’exercice à but lucratif d’une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l’accomplissement d’actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations :

– 1° Soit n’a pas demandé son immatriculation au registre national des entreprises en tant qu’entreprise du secteur des métiers et de l’artisanat ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d’immatriculation, ou postérieurement à une radiation ;

– 2° Soit n’a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l’administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur. Cette situation peut notamment résulter de la non-déclaration d’une partie de son chiffre d’affaires ou de ses revenus ou de la continuation d’activité après avoir été radié par les organismes de protection sociale en application de l’article L. 613-4 du code de la sécurité sociale ;

– 3° Soit s’est prévalue des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque l’employeur de ces derniers exerce dans l’Etat sur le territoire duquel il est établi des activités relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, ou lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue. »

 

Selon l’article L. 8221-4 du Code du travail :

 

« Les activités mentionnées à l’article L. 8221-3 sont présumées, sauf preuve contraire, accomplies à titre lucratif :

– 1° Soit lorsque leur réalisation a lieu avec recours à la publicité sous une forme quelconque en vue de la recherche de la clientèle ;

– 2° Soit lorsque leur fréquence ou leur importance est établie ;

– 3° Soit lorsque la facturation est absente ou frauduleuse ;

– 4° Soit lorsque, pour des activités artisanales, elles sont réalisées avec un matériel ou un outillage présentant par sa nature ou son importance un caractère professionnel. »

 

2- Les éléments constitutifs du délit de travail dissimulé par dissimulation d’activité

 

L’infraction requiert la réunion d’éléments matériels et d’un élément moral :

 

a) Des éléments matériels :

 

–       L’exercice d’une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l’accomplissement d’actes de commerce ;

 

–       Un exercice à but lucratif de cette activité : le caractère lucratif de l’activité est présumé dans les cas suivants : le recours à la publicité. ; la fréquence ou l’importance de l’activité ; pour les activités artisanales (matériel ou outillage nature ou d’importance professionnelle) ; la facturation absente au frauduleuse. ;

 

–       Le fait pour l’employeur de :

     o   se soustraire à ses obligations de :

       *  demander son immatriculation au registre national des entreprises en tant qu’entreprise du secteur des métiers et de l’artisanat ou au registre du commerce et des sociétés, lorsque celle-ci est obligatoire, ou a poursuivi son activité après refus d’immatriculation, ou postérieurement à une radiation ;

          *  procéder aux déclarations devant être faites aux organismes de protection sociale ou à l’administration fiscale , en application des dispositions législatives ou réglementaires en vigueur ;

    o   se prévaloir des dispositions applicables au détachement de salariés lorsque leur employeur exerce dans l’Etat sur le territoire duquel il est établi des activités relevant uniquement de la gestion interne ou administrative, ou lorsque son activité est réalisée sur le territoire national de façon habituelle, stable et continue.

 

Attention ! Ne tombent pas sous le coup de la loi pénale, les travaux d’urgence dont l’exécution immédiate est nécessaire pour prévenir les accidents imminents ou organiser les mesures de sauvetage, conformément aux dispositions de l’article L. 8221-2 du Code du travail.

 

Il en va de même pour l’entraide familiale : elle se caractérise par une aide / une assistance apportée à une personne proche de manière occasionnelle et spontanée, en dehors de toute rémunération et de toute contrainte, conformément aux dispositions de la lettre circulaire n° 2003-121 du 24 juillet 2003 de l’Agence Centrale des Organismes de Sécurité Sociale.

 

Comme le rappelle l’URSSAF, l’aide apportée ne doit pas se substituer à un poste de travail indispensable au bon fonctionnement de l’entreprise.

 

L’entraide familiale n’est prévue qu’entre parents du 1er degré, à savoir :

–       Les ascendants (père/mère) et descendants (fils/fille) directs travaillant l’un pour l’autre ;

–       Les collatéraux directs (frère/sœur) travaillant l’un pour l’autre ;

–       Les conjoints, sous réserve de l’adoption d’un des trois statuts particuliers : conjoint associé, conjoint collaborateur ou conjoint salarié.

 

La Jurisprudence a cependant élargi cette notion en y incluant aussi les parents collatéraux (neveux/nièces).

 

 

b) Un élément moral :

 

Selon l’article 121-3, alinéa 1, du Code pénal :

« Il n’y a point de délit ou de crime sans intention de le commettre ».

 

Les Juges du fond doivent démontrer que l’employeur a délibérément agi dans le but de se soustraire aux obligations légales imposées par le Code du travail.

 

L’appréciation de l’intentionnalité du travail dissimulé relève du pouvoir souverain des Juges du fond. (Cass., Soc., 14 octobre 2015, n° 14-12193)

 

 

B- Le travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié

 

1- Rappel des textes

 

Selon l’article L. 8221-5 du Code du travail :

 

« Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

– 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

– 2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

-3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales. »

 

Selon l’article L. 8221-6 du Code du travail :

 

« I.- Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :

– 1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au registre national des entreprises en tant qu’entreprise du secteur des métiers et de l’artisanat, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales ;

– 2° Les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire prévu par l’article L. 214-18 du code de l’éducation ou de transport à la demande conformément à l’article 29 de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d’orientation des transports intérieurs ;

– 3° Les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés ;

II.- L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.

Dans ce cas, la dissimulation d’emploi salarié est établie si le donneur d’ordre s’est soustrait intentionnellement par ce moyen à l’accomplissement des obligations incombant à l’employeur mentionnées à l’article L. 8221-5.

Le donneur d’ordre qui a fait l’objet d’une condamnation pénale pour travail dissimulé en application du présent II est tenu au paiement des cotisations et contributions sociales à la charge des employeurs, calculées sur les sommes versées aux personnes mentionnées au I au titre de la période pour laquelle la dissimulation d’emploi salarié a été établie. »

 

Selon l’article L. 8221-6-1 du Code du travail :

 

« Est présumé travailleur indépendant celui dont les conditions de travail sont définies exclusivement par lui-même ou par le contrat les définissant avec son donneur d’ordre. »

 

 

2- Les éléments constitutifs du délit de travail dissimulé par dissimulation d’activité

 

L’infraction requiert la réunion d’éléments matériels et d’un élément moral :

 

a) Des éléments matériels :

 

–    Le fait pour l’employeur de se soustraire à l’accomplissement de la déclaration préalable à l’embauche de son employé ;

 

–     Le fait pour l’employeur de se soustraire à la délivrance d’un bulletin de paie / d’un document équivalent à son employé ;

 

–       Le fait pour l’employeur de mentionner sur le bulletin de paie / le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli par l’employé, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail ;

 

–       Le fait pour l’employeur de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations.

 

 

b) Un élément moral :

 

Selon l’article 121-3, alinéa 1, du Code pénal :

 

« Il n’y a point de délit ou de crime sans intention de le commettre ».

 

Ce délit est une infraction intentionnelle de sorte qu’est requise la démonstration du caractère intentionnel de la faute (Cass., Soc., 19 janvier 2005, n° 02-46.967).

 

Exemple : lorsque l’employeur persiste à refuser de prendre en compte les observations ou mises en demeure de l’inspecteur du travail. (Cass., Crim., 2 septembre 2014, n° 13-80.665)

 

Contre-exemple : le caractère intentionnel ne peut pas se déduire de la seule absence de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie. (Cass., Soc., 29 juin 2005, n° 04-40.758)

 

 

II- La répression du travail dissimulé

 

Seul l’employeur peut être mis en cause et renvoyé devant le Tribunal correctionnel, de sorte que le salarié non déclaré ne peut pas être poursuivi du chef du délit de travail dissimulé.

 

Les personnes physiques, reconnues coupables de l’infraction de travail dissimulé, encourent une peine de 3 ans d’emprisonnement et une peine d’amende de 45.000 euros.

 

Dans l’hypothèse de l’emploi dissimulé d’un mineur soumis à l’obligation scolaire, ces peines peuvent être aggravées à 5 ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende.

 

En tout état de cause, les infracteurs encourent de la même façon des peines complémentaires :

 

–       l’interdiction d’exercer une fonction publique ou d’exercer l’activité professionnelle ou sociale dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de laquelle l’infraction a été commise ou alors d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale ;

–       l’exclusion des marchés publics pour une durée de cinq ans au plus ;

–       la peine de confiscation ;

–       l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée.

 

Par ailleurs, les personnes morales encourent une peine d’amende de 225.000 euros (quintuple de l’amende encourue pour les personnes physiques), ainsi que de nombreuses autres peines :

 

–       l’affichage ou la diffusion de la décision prononcée ;

–       la peine de confiscation ;

–       le placement, pour une durée de cinq ans au plus, sous surveillance judiciaire ;

–       la dissolution, lorsque la personne morale a été créée ou, lorsqu’il s’agit d’un crime ou d’un délit puni en ce qui concerne les personnes physiques d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à 3 ans, détournée de son objet pour commettre les faits incriminés ;

–       l’exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus ;

–       etc.

 

Outre des sanctions pénales, les infracteurs peuvent encore faire l’objet de sanctions d’ordre administratif et fiscal.

 

En cas de rupture du contrat de travail, le salarié victime de ce délit a droit à une indemnité forfaitaire de 6 mois de salaire selon l’article L. 8223-1 du Code du travail.