Prenant de l’ampleur, ce phénomène de piqûres sauvages rencontré surtout chez de jeunes gens dans des établissements de nuit se répand progressivement dans de nombreux départements français.
Quelles sont les qualifications pénales pouvant être retenues dans les plaintes déposées par les victimes ?
I- L’incrimination spéciale d’administration de substances nuisibles
L’article 222-15 du Code pénal dispose :
« L’administration de substances nuisibles ayant porté atteinte à l’intégrité physique ou psychique d’autrui est punie des peines mentionnées aux articles 222-7 à 222-14-1 suivant les distinctions prévues par ces articles.
Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables à cette infraction dans les mêmes cas que ceux prévus par ces articles. »
A- Les éléments constitutifs de l’infraction d’administration de substances nuisibles
Pour être caractérisée, cette infraction requiert :
1) un acte d’administration : une inoculation (piqûre, etc.), une ingestion (boisson etc.), une inhalation (gaz etc.), un contact (des rapports sexuelles, etc.) …
2) une substance dite nuisible : la substance doit être simplement susceptible de nuire en portant atteinte à la vie ou à l’intégrité physique ou psychologique de la victime.
La substance peut prendre une forme solide, liquide ou encore gazeuse.
Toutefois, la substance en question ne doit pas être mortifère.
3) un résultat engendré par l’administration : une altération des capacités physiques et/ou psychologiques de façon permanente ou temporaire.
4) un lien de causalité certain entre l’administration de la substance et le résultat obtenu ;
5) une volonté pour l’infracteur d’administrer la substance à sa victime en connaissance de cause : cette infraction est dite intentionnelle.
En conclusion : les informations mentionnées par les médias au sujet de cette affaire de piqûres mystérieuses soulignent que les résultats médicaux n’ont pas encore permis de déterminer la substance exacte inoculée aux victimes à l’aide de seringues.
Par ailleurs, les symptômes temporaires rencontrés par ces dernières seraient des bouffées de chaleur, des nausées, une fatigue excessive, des malaises, des pertes d’équilibre voire des paralysies partielles et totales.
Il est fortement recommandé aux victimes de prendre des photographies des piqûres avant leur totale disparition.
En outre, il est important pour les victimes d’effectuer des prélèvements sanguins (bilans toxicologiques) dans les meilleurs délais afin d’avoir une chance d’identifier le produit utilisé.
Pour rappel, il est difficile de détecter la présence de GHB au-delà d’un délai de 6 heures après son absorption.
Enfin, il est important d’indiquer le lieu où se sont déroulés les faits dans le but de permettre aux services de police ou aux brigades de gendarmerie d’analyser les vidéos des caméras de surveillances des établissements concernés afin de retrouver les infracteurs et le cas échéant leurs complices.
B- La répression de l’infraction d’administration de substances nuisibles
Les sanctions de l’infraction d’administration de substances nuisibles seront fonction des dommages occasionnés à la victime.
Si l’infraction d’administration de substances nuisibles a engendré :
– aucune ITT et en l’absence de circonstance aggravante : est prévue la peine de l’amende de la contravention de la 4ème classe (article R 624-1 du Code pénal) ;
– une ITT inférieure ou égale à 8 jours sans circonstance aggravante : est prévue la peine de l’amende de la contravention de la 5ème classe (article R 625-1 du Code pénal) ;
– une ITT inférieure ou égale à 8 jours avec une circonstance aggravante : sont prévues les peines de 3 ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende (article 222-13 du Code pénal) ;
– une ITT supérieure à 8 jours sans circonstance aggravante : sont prévues les peines de 3 ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende (article 222-11 du Code pénal) ;
– une ITT supérieure à 8 jours avec une circonstance aggravante : sont prévues les peines de 5 ans d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende (article 222-12 du Code pénal) ;
– une infirmité ou une mutilation permanente : sont prévues les peines de 10 ans d’emprisonnement et de 150.000 euros d’amende (article 222-9 du Code pénal) ;
– une infirmité ou une mutilation permanente avec une circonstance aggravante : est prévue la peine de 15 ans de réclusion criminelle (article 222-10 du Code pénal) ;
– la mort sans intention de la donner : est prévue la peine de 15 ans de réclusion criminelle (article 222-7 du Code pénal) ;
– la mort sans intention de la donner avec une circonstance aggravante : est prévue la peine de 20 ans de réclusion criminelle (article 222-8 du Code pénal) ;
NB. Les peines d’emprisonnement et d’amende s’aggravent en présence de plusieurs circonstances aggravantes.
Parmi celles-ci figurent notamment l’usage ou la menace d’une arme ou encore la préméditation.
Or une seringue peut être considérée comme une arme au sens de l’article 132-75 du Code pénal.
Attention ! La simple tentative d’administration de substances nuisibles n’est pas punissable.
C- L’infraction spécifique d’administration de substances nuisibles afin de commettre un viol ou une agression
Le Code pénal prévoit l’hypothèse particulière dans laquelle l’infracteur administre à l’insu de la victime une substance de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes afin de commettre à son égard un viol ou une agression sexuelle.
En effet, l’article 222-30-1 du Code pénal dispose :
« Le fait d’administrer à une personne, à son insu, une substance de nature à altérer son discernement ou le contrôle de ses actes afin de commettre à son égard un viol ou une agression sexuelle est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 € d’amende.
Lorsque les faits sont commis sur un mineur de quinze ans ou une personne particulièrement vulnérable, les peines sont portées à sept ans d’emprisonnement et à 100 000 € d’amende. »
Cette infraction diffère ainsi de l’infraction d’administration de substances nuisibles développée ci-dessus.
II- Le retour à l’incrimination générale de violences volontaires
Certaines plaintes déposées par des victimes auprès des services de police ou des brigades de gendarmerie n’ont pas mentionné l’infraction d’administration de substances nuisibles.
Pour des questions probatoires voire d’opportunité, les infractions de violences volontaires des articles 222-7 et suivants du Code pénal peuvent être retenues dans les plaintes pénales déposées par les victimes.
A- Les éléments constitutifs des infractions de violences volontaires
Pour être caractérisée, ces infractions requièrent :
1) un ou plusieurs acte(s) positif(s) : il s’agit de tout acte ou comportement de nature à causer sur la personne de celle-ci une atteinte à son intégrité physique ou psychique.
Un contact matériel avec le corps de la victime n’est pas obligatoire.
2) un dommage subi par la victime résultant de l’acte de violences : il s’agit d’une atteinte effective à son intégrité physique ou psychologique (griffures, lacération, infirmité, décès, choc émotif, stress, etc.) ;
3) un lien de causalité certain entre le ou les acte(s) positif(s) et le dommage ;
4) une volonté pour l’infracteur de commettre l’acte violent et de parvenir à un résultat : l’atteinte à l’intégrité physique ou psychologique de la victime importe peu.
En conclusion : le fait pour l’infracteur de piquer volontairement sa victime à l’aide d’une seringue dans le but de lui infliger un préjudice physique et/ou psychologique est également susceptible de caractériser un acte matériel positif volontaire pouvant occasionner certains des symptômes précédemment énoncés.
Chacune des infractions de violences volontaires sera réprimée différemment selon la gravité des préjudices subis.
B- La répression des infractions de violences volontaires
Une nouvelle fois, les peines encourues seront fonction du préjudice subi par la victime.
Les peines mentionnées au paragraphe I-B sont ici applicables à l’infracteur.
La tentative de violences volontaires n’est pas punissable.