I – Qu’est-ce que l’ordonnance de protection ?
Il s’agit d’une mesure de protection instaurée par la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.
Selon l’article 515-9 du Code civil, le Juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence une ordonnance de protection, lorsque sont exercées des violences :
– au sein du couple, y compris lorsqu’il n’y a pas de cohabitation entre l’auteur et la victime ;
– ou par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin, y compris lorsqu’il n’y a jamais eu de cohabitation entre l’auteur et la victime.
Les violences alléguées par la victime peuvent être physiques (coups, cheveux tirés, secouement, etc.), psychologiques (insultes, dénigrements, harcèlement, etc.), économiques (dépendance financière, etc.) voire encore sexuelles.
Lesdites violences peuvent bien évidemment être cumulatives.
Par ailleurs, il importe que ces violences mettent en danger la personne qui en est victime et, le cas échéant, un ou plusieurs enfants.
Enfin, l’article 515-13 du Code civil prévoit qu’une ordonnance de protection peut être délivrée en urgence par le Juge aux affaires familiales à la personne majeure menacée de mariage forcé.
II – Quelle est la procédure à suivre pour obtenir une ordonnance de protection ?
Le déroulement de la procédure est décrit au sein des dispositions des articles 1136-3 et suivants du Code de procédure civile.
Le Juge aux affaires familiales est saisi par une requête remise ou adressée au greffe.
À peine de nullité, outre les mentions prescrites par l’article 57 du Code de procédure civile, la requête doit contenir un exposé sommaire des motifs de la demande ainsi que les pièces sur lesquelles celle-ci est fondée.
Le Juge aux affaires familiales rend sans délai une ordonnance fixant la date de l’audience.
Attention ! La signification doit être faite au défendeur dans un délai de 2 jours à compter de l’ordonnance fixant la date de l’audience, afin que le magistrat puisse statuer dans le délai maximal de 6 jours, dans le respect du principe du contradictoire et des droits de la défense.
La copie de l’acte de signification doit impérativement être remise au greffe au plus tard à l’audience.
Lors de l’audience, les parties se défendent elles-mêmes, et ont la faculté de se faire assister ou représenter par un avocat.
La procédure est orale, instruite et débattue en chambre du conseil, après avis du ministère public.
Le Juge aux affaires familiales s’assure qu’un temps suffisant se soit écoulé entre la convocation et l’audience pour que le défendeur/auteur des violences ait pu préparer sa défense.
Enfin, le Juge aux affaires familiales procède à l’audition des parties.
Toutefois, le magistrat peut les entendre séparément s’il le décide ou si l’une des parties en fait la demande.
III- A quelles conditions une ordonnance de protection peut-elle être délivrée ?
L’ordonnance de protection est délivrée, par le Juge aux affaires familiales s’il estime, au vu des éléments produits devant lui et contradictoirement débattus, qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués (1) et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés (2).
Les raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et du danger auquel la victime ou un ou plusieurs enfants sont exposés sont deux conditions cumulatives. (Cass., 1ère Civ., 13 février 2020, n° 19-22.192)
L’appréciation du caractère vraisemblable de la commission des faits de violence et du danger auquel la victime est exposée relève du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond (Cass., 1ère Civ., 5 octobre 2016, n° 15-24.180).
Lorsque l’actualité du danger n’est pas établie, les juges doivent rejeter la demande de délivrance de l’ordonnance de protection (CA Lyon, 13 septembre 2016, n°15/06159 – CA Saint- Denis de la Réunion, 19 mai 2017, n°17/00607).
L’appréciation de ces éléments par le Juge repose sur la production d’éléments de preuve, par la victime, dans le cadre de la procédure.
Pour établir l’existence des violences alléguées et celle du danger, il appartient à la partie demanderesse de produire :
– des SMS, des courriels, des courriers ou encore des relevés téléphoniques ;
– des photos ;
– des attestations des membres de la famille, d’amis, de voisins ou de collègues de travail ;
– les décisions faisant état des précédentes condamnations pénales de l’auteur des violences ;
– des certificats médicaux établis par un médecin-trainant ou des Unités Médico-Judiciaires (UMJ), des ordonnances médicales, des compte-rendus de psychologue ou de psychiatre ;
– des déclarations de main courante ou des plaintes pénales déposées auprès d’un commissariat de police ou de la gendarmerie.
Attention ! La délivrance d’une ordonnance de protection n’est pas subordonnée au dépôt préalable d’une plainte pénale par la victime.
Cependant, le dépôt de plainte permet aux services de police ou de gendarmerie de diligenter une enquête et, le cas échant, au procureur de la République, de décider du renvoi de l’auteur des violences devant une juridiction pénale afin de répondre des infractions commises à l’encontre de la victime.
IV – Quelles sont les mesures édictées dans l’ordonnance de protection ?
En délivrant une ordonnance de protection, le Juge aux affaires familiales peut :
– Interdire à l’auteur des violences de recevoir ou de rencontrer certaines personnes spécialement désignées par le Juge, ainsi que d’entrer en relation avec elles, de quelque façon que ce soit. Lorsque cette interdiction a été prononcée, le Juge aux affaires familiales peut prononcer une interdiction de se rapprocher de la victime à moins d’une certaine distance qu’il fixe et ordonner, après avoir recueilli le consentement des deux parties, le port par chacune d’elles d’un dispositif électronique mobile anti-rapprochement permettant à tout moment de signaler que l’auteur des violences ne respecte pas cette distance. En cas de refus de ce dernier faisant obstacle au prononcé de cette mesure, le Juge aux affaires familiales en avise immédiatement le procureur de la République. ;
– Interdire à l’auteur des violences de se rendre dans certains lieux spécialement désignés par le Juge dans lesquels se trouve de façon habituelle la victime ;
– Interdire à l’auteur des violences de détenir ou de porter une arme et, le cas échéant, lui ordonner de remettre au service de police ou de gendarmerie qu’il désigne les armes dont elle est détentrice en vue de leur dépôt au greffe ; Lorsque l’ordonnance de protection édicte la mesure prévue au 1°, la décision de ne pas interdire la détention ou le port d’arme est spécialement motivée ;
– Proposer à l’auteur des violences une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ou un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes. En cas de refus, le Juge en avise immédiatement le procureur de la République ;
– Statuer sur la résidence séparée des époux. La jouissance du logement conjugal est attribuée, sauf ordonnance spécialement motivée justifiée par des circonstances particulières, au conjoint qui n’est pas l’auteur des violences, et ce même s’il a bénéficié d’un hébergement d’urgence. Dans ce cas, la prise en charge des frais afférents peut être à la charge de l’auteur des violences ;
– Se prononcer sur le logement commun de partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou de concubins. La jouissance du logement commun est attribuée, sauf ordonnance spécialement motivée justifiée par des circonstances particulières, au partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou au concubin qui n’est pas l’auteur des violences, et ce même s’il a bénéficié d’un hébergement d’urgence. Dans ce cas, la prise en charge des frais afférents peut être à la charge du partenaire ou concubin violent ;
– Se prononcer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale et, au sens de l’article 373-2-9 du Code civil, sur les modalités du droit de visite et d’hébergement, ainsi que, le cas échéant, sur la contribution aux charges du mariage pour les couples mariés, sur l’aide matérielle au sens de l’article 515-4 pour les partenaires d’un pacte civil de solidarité et sur la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants ; Lorsque l’ordonnance de protection édicte la mesure prévue au 1° du présent article, la décision de ne pas ordonner l’exercice du droit de visite dans un espace de rencontre désigné ou en présence d’un tiers de confiance est spécialement motivée ;
– Autoriser la victime à dissimuler son domicile ou sa résidence et à élire domicile chez l’avocat qui l’assiste ou la représente ou auprès du procureur de la République près le Tribunal judiciaire pour toutes les instances civiles dans lesquelles elle est également partie. Si, pour les besoins de l’exécution d’une décision de justice, l’huissier chargé de cette exécution doit avoir connaissance de l’adresse de cette personne, celle-ci lui est communiquée, sans qu’il puisse la révéler à son mandant ;
– Autoriser la victime à dissimuler son domicile ou sa résidence et à élire domicile pour les besoins de la vie courante chez une personne morale qualifiée ;
L’ordonnance de protection est notifiée par voie de signification, à moins que le Juge aux affaires familiales (soit d’office soit à la demande d’une partie) ne décide qu’elle sera notifiée par le greffe par lettre RAR, ou par la voie administrative, en cas de danger grave et imminent pour la sécurité d’une personne concernée par une ordonnance de protection ou lorsqu’il n’existe pas d’autre moyen de notification.
Attention ! Les obligations et/ou interdictions prononcées dans l’ordonnance de protection ne sont prises que pour une durée de 6 mois à compter de la notification de l’ordonnance.
A défaut, ces mesures prendront fin.
Toutefois, ces mesures peuvent être prolongées au-delà si, durant ce délai de 6 mois, une demande en divorce ou en séparation de corps a été déposée par la victime mariée ou si le Juge aux affaires familiales a été saisi par la victime concubine ou partenaire de PACS (ou ancienne concubine ou partenaire de PACS) d’une demande relative à l’exercice de l’autorité parentale.
De surcroît, l’article 515-12 du Code civil indique que le Juge aux affaires familiales peut, à tout moment, à la demande du Ministère public ou de l’une ou l’autre des parties, ou après avoir fait procéder à toute mesure d’instruction utile, et après avoir invité chacune d’entre elles à s’exprimer, ajouter, supprimer ou modifier tout ou partie des mesures énoncées dans l’ordonnance de protection ou encore accorder à l’auteur des violences une dispense temporaire d’observer certaines des obligations qui lui ont été imposées.
N.B. 1 Selon les articles L. 425-6 à L.425-8 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’étranger bénéficiant d’une ordonnance de protection se voit délivrer, dans les plus brefs délais, une carte de séjour temporaire mention » vie privée et familiale « d’une durée d’un an.
Une fois arrivée à expiration, la carte est renouvelée de plein droit à l’étranger qui continue à bénéficier d’une telle ordonnance de protection.
La même carte de séjour est délivrée, dans les mêmes conditions, à l’étranger qui bénéficie d’une ordonnance de protection en raison de la menace d’un mariage forcé.
En cas de condamnation définitive de la personne mise en cause, l’étranger détenteur de ladite carte de séjour ayant déposé plainte pour des faits de violences commis à son encontre par son conjoint, son concubin ou le partenaire auquel il est lié par un pacte civil de solidarité, ou pour des faits de violences commis à son encontre en raison de son refus de contracter un mariage ou de conclure une union ou afin de le contraindre à contracter un mariage ou à conclure une union, se voit délivrer une carte de résident d’une durée de 10 ans.
N.B. 2 Le décret n° 2020-683 du 4 juin 2020 permet à tout épargnant bénéficiaire d’une ordonnance de protection de solliciter le remboursement anticipé de son PEE/PEI/PEG, en produisant une copie de la décision délivrée au profit de l’intéressé.
VII – Que faire en cas de non-respect des obligations et interdictions prescrites dans l’ordonnance de protection ?
L’article 227-4-2 du Code pénal prévoit que le fait, pour une personne de ne pas se conformer à une ou plusieurs obligations ou interdictions imposées dans une ordonnance de protection est puni d’une peine de 2 ans d’emprisonnement et d’une peine de 15.000 € d’amende.